"Marché de l’art - Chapitre 1 - Acheter de l’art dans une maison de ventes aux enchères en ligne"
Sotheby’s et Christie’s sont les deux noms qui viennent à l’esprit quand on pense aux maisons de vente aux enchères. Ce sont les plus réputées mondialement. Leurs prix records font régulièrement la manchette. Rappelons la vente de L'allée des Alyscamps de Van Gogh pour 66 millions de dollars, le montant le plus élevé pour une toile du maître depuis 1998, ou celle de 54 œuvres de Damien Hirst totalisant 127 millions de dollars, un record pour une vente dédiée à un seul artiste.
Les deux maisons soignent leurs richissimes clients capables de payer de telles sommes, mais elles ont élargi leur base, car si le propre des ventes aux enchères est de vendre de l'art consacré, il se vend aussi beaucoup d'art contemporain. La vente aux enchères devient une forme de légitimation des œuvres et des artistes émergents. En ligne, elle attire une clientèle plus jeune, plus branchée, ni pauvre ni riche. La présence de Sotheby’s et de Christie’s sur la Toile permet à cette nouvelle clientèle de prendre part à l’action dans la mesure de ses moyens.
Discrétion assurée
Les deux sociétés tiennent leurs enchères simultanément en ligne et en salle. Internet leur a donné accès au plus large bassin d’acheteurs potentiels qui soit. En 2013, le PDG de Christie’s estimait qu’entre 7 à 10 % des ventes d’art dans le monde se faisaient déjà par Internet. Et les ventes en ligne continuent leur forte progression. Cela représente des milliards de dollars de transactions quotidiennes. Surtout, avec le virage numérique, le « parquet » de l’art n’est plus réservé aux riches membres du jet-set et aux professionnels de l’art, comme c’est encore le cas en salle. La Toile en a démocratisé la fréquentation. Le « grand public » se fait cependant très discret derrière son écran d’ordinateur. Cela permet au néophyte de faire son apprentissage à son rythme, sans stress. Parallèlement, cet effacement préserve l’image de marque des deux grandes rivales comme hauts lieux de commerce, de « connoisseurship » et de snobisme.
Le plus important, l’authenticité
La question du « connoisseurship » est au cœur des transactions sur la Toile. Il est entendu que Sotheby’s et Christie’s engagent les meilleurs experts pour confirmer l’identité de l’auteur de l’œuvre. Pour cette raison, ce sont actuellement les meilleures références pour l’authenticité de l’art acheté en ligne. L’enjeu est absolument crucial, car l’authenticité de l’œuvre est ce qui lui donne sa valeur marchande. Et qui est le meilleur expert, sinon celui ou celle qui a vu le plus grand nombre d’œuvres de l’artiste, qui connaît le mieux l’œuvre, et qui se trompe le moins souvent ... Car nul n’est à l’abri de l’erreur. Des désattributions surviennent, au grand dam des musées, sans même qu’il s’agisse de faux, tout bonnement parce que les chercheurs en histoire de l’art découvrent de nouvelles preuves qui les amènent à conclure autrement.
Le rôle de l’expert consiste d’abord à valider la signature de l’artiste, mais il est fréquent que les œuvres ne soient pas signées, aussi bien en art ancien qu’en art contemporain. L’expert atteste alors que l’œuvre est de la main de l’artiste, entièrement ou en partie, en employant la mention « attribué à ». L’attribution est guidée par son expérience visuelle. Il ne faut pas oublier que les plus grands artistes, Rubens notamment, ont fait appel à des collaborateurs. L’attribution permet non seulement d’identifier l’auteur, mais de situer l’œuvre dans une période, un mouvement, une esthétique particulière. C’est une invitation à faire des liens avec d’autres œuvres dans le temps et dans l’espace. L’appréciation esthétique ou le coup de cœur de l’acheteur peut ainsi se doubler du plaisir d’enrichir ses connaissances. Mais au bout du compte, que l’artiste ait signé l’œuvre ou pas, et qu’elle soit de sa main ou pas, il en a l’entière paternité lorsque l’expert en répond.
Avant tout, un intermédiaire
Installé devant votre écran, tout se passe comme si vous étiez dans la salle. À la date et l’heure prévues, vous verrez l’enchère monter à partir des offres venant de la salle, prises au téléphone ou relayées par Internet. Ça va vite ! En ligne ou en salle, dans les grandes et les plus petites maisons de ventes, la mécanique est la même. Toutes agissent comme intermédiaires entre le vendeur et l’acheteur. Quand le marteau tombe, l’œuvre est adjugée et le titre de propriété passe à ce moment à l’acheteur. La maison de vente engage aussitôt sa responsabilité envers lui. Elle lui garantit l’authenticité de l’œuvre et pas question de se soustraire de quelque façon à cette obligation !
La garantie écrite
L’œuvre est parfois accompagnée d’un certificat d’authenticité d’expert fourni par le vendeur, mais en l’absence de tel certificat, d’autres documents servent à attester l’authenticité avec certitude. Ainsi, la maison de vente est responsable des descriptions mentionnées dans le catalogue de vente. Le descriptif de l’œuvre est normalement reproduit sur la facture pour tenir lieu de garantie.
L’estimation et le prix final
On peut ouvrir un compte en ligne chez Sotheby’s, Christie’s et dans d’autres sociétés, comme Heffel qui se spécialise en art canadien, pour avoir accès aux offres et participer à une vente. Les œuvres offertes couvrent toute la gamme des prix. La maison de vente affiche une fourchette d’estimation basée sur les réalisations antérieures d’une œuvre comparable. On peut trouver l’information complète sur les ventes antérieures d’œuvres du même artiste dans les sites Web de Artnet ou Artprice qui consignent les résultats de toutes les maisons de ventes sans exception. Du même souffle, ces bases de données nous permettent de voir quelles maisons sont actives dans ce qui nous intéresse.
Le prix de départ de l’enchère se situe habituellement entre le quart et le tiers de la fourchette basse de l’estimation. À la fin, on a le prix d'adjudication, ou prix du marteau. Il faut ajouter à ce prix une prime d’achat d’environ 20 % qui revient à la maison de vente aux enchères, les taxes, les frais de transport, sans oublier les droits de douane si jamais l’œuvre est expédiée de l’étranger. Le total peut réserver une surprise.
En dernier lieu, il faut dire que toutes les maisons de ventes aux enchères, même les plus petites, garantissent l’authenticité et sont dignes de confiance. Tout repose en fait sur le choix du « bon » expert et de la capacité financière de chacune à honorer une réclamation. Il appartient à l’acheteur d’évaluer son niveau de risque acceptable en regard du prix payé.
Head image: Damien Hirst Butterfly Cathedral Print - Sotheby's